Le vendredi, c’est le jour des courses, aussi dans les magasins bio. Chez Agricovert, à Gembloux, plusieurs clients déambulent entre le rayon fromages et les produits en vrac. Un couple âgé est installé dans le petit coin «cafétéria» et la femme me désigne son morceau de tarte. «C’est vraiment excellent. Vous devriez essayer. Chaque fois que je viens ici, je craque.» Mais une certaine agitation à l’entrée l’interrompt. «C’est la ministre», lui souffle une collaboratrice d’Agricovert. La dame tend le cou: «C’est qui?» C’est Céline Tellier, ministre Écolo de la Ruralité qui vient visiter un des 23 tiers-lieux reconnus et subventionnés au terme d’un appel à projets lancé en juillet 2022. Avec l’ambition de soutenir la relocalisation des services de proximité en milieu rural. Ces tiers-lieux, c’est une première en Wallonie pour un concept qui a déjà largement fait ses preuves en France.
Parmi les 23 projets retenus (sur 102 dossiers déposés), certains étaient déjà tiers-lieux sans le savoir. C’est un peu le cas d’Agricovert. La coopérative, créée en 2011, a d’abord été un hall-relais faisant le lien entre les producteurs bio locaux et la population des villes. En s’implantant dans une rue et un quartier plutôt désertés de Gembloux, mais tout proches de la gare, la coopérative est très vite devenue une sorte d’aimant pour les associations de la région tout en bénéficiant de l’intérêt des étudiants en agronomie de la faculté de Gembloux. Alors progressivement, une boulangerie s’est nichée dans le bâtiment ainsi qu’un atelier de découpe de la viande, une champignonnière, une petite salle de théâtre…
En s’implantant dans une rue et un quartier plutôt désertés de Gembloux, mais tout proches de la gare, la coopérative est très vite devenue une sorte d’aimant pour les associations de la région tout en bénéficiant de l’intérêt des étudiants en agronomie de la faculté de Gembloux.
La coopérative agricole est aujourd’hui devenue officiellement un tiers-lieu qui s’appelle AgricoTiers. Et AgricoTiers ne manque pas de projets à court, à moyen et à long terme. Sa coordinatrice, Pia Monville, guide la ministre et les membres de son cabinet dans le dédale de cet ancien hangar agricole. Pia nous montre l’atelier «boucherie». «Cela va devenir un atelier citoyen en développant un service traiteur. La subvention servira à mettre le local aux normes de l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire. Déjà aujourd’hui, nous recevons des demandes de repas collectifs de la part des écoles de Gembloux. On va créer un restaurant ouvert tous les jours», s’enthousiasme-t-elle.
Nous passons chez François, responsable de la boulangerie-pâtisserie (et donc des excellentes tartes et viennoiseries). La boulangerie, c’est aussi un projet d’inclusion de personnes handicapées qui ne trouvent pas leur place dans un atelier protégé. «Avec la subvention reçue par la Région wallonne, on va pouvoir accepter plus de personnes dans notre visée d’inclusion. Nous collaborons déjà avec le CPAS de Gembloux, on va intensifier le projet d’insertion par le travail», explique François. L’idée est que les gens puissent avoir ensuite un contrat de travail dans la coopérative, enchaîne Pia, avant de nous entraîner vers le studio de Timothy, coordinateur de l’Art de Rien, centre d’expression et de créativité niché dans l’entrepôt d’Agricovert depuis plus de dix ans. «Nous sommes spécialisés dans l’art de la scène. Nous recevons des enfants, des ados, des seniors. Nous travaillons avec les patients de l’hôpital psychiatrique de Chastre. Je suis tout seul, mais j’aimerais faire mille choses encore», dit Timothy. «On a aussi des demandes pour les arts de la parole, précise Pia. Agricovert n’est pas seulement un endroit où on fait ses courses, mais un endroit où on apprend.» Agricovert voudrait en faire plus: «On reçoit énormément de demandes d’associations qui veulent venir chez nous, mais on doit refuser.» La subvention servira notamment à cela: transformer le vieux bâtiment pour héberger tous les projets d’Agricovert et d’autres associations partenaires.