L’événement festif le plus « brusseleir » de la ville se tient pour sa huitième édition ce 10 mai. Avec un thème aussi titillant que « Tentation/Bekoring », la Zinneke Parade a, une fois de plus, multiplié les ateliers, dont certains en collaboration avec des personnes handicapées.
Voguer sans encombre vers une plus grande acceptation de soi et des autres pourrait être le credo de bon nombre des projets qui jalonnent chaque année la grande aventure de la Zinneke Parade, melting pot inspiré réunissant une foule d’associations, de comités de quartier et autres artistes en herbe. Dans chaque commune, les Zinnodes s’activent ferme.
La Zinnode représente un groupe de personnes pouvant aller jusqu’à cent et composé de plusieurs partenaires qui s’allient pour un même projet artistique en rapport avec le thème de la Parade. Une équipe entoure chaque Zinnode et plusieurs ateliers réunissent les participants au grand défilé qui sillonne, tous les deux ans, les rues de la capitale.
Avec la Zinnode Croisière, ce sont quatre belles énergies de groupe qui se sont associées. La Boîte à clous représente un collectif d’artistes très engagé dans la Zinneke Parade. Le Centre Sésame est un centre de jour pour personnes souffrant d’un handicap mental. L’association Les 400 Coups organise des stages créatifs pour enfants. Enfin, l’Epee, Espace populaire d’éducation et d’expression, organise de l’accueil extrascolaire pour des enfants des Marolles. Florian Vanhagendore, responsable de projet à la Zinneke Parade, explique la finalité d’une telle aventure : « La moitié des Zinnodes ont une portée territoriale, les autres entrées en matière des mises en partenariat sont basées sur des enjeux artistiques et/ou des envies de rencontres précises. Le projet a une identité bruxelloise et est à l’image de notre ville au niveau de la participation. La grande majorité des projets sont composés de partenaires bruxellois, avec quelques partenaires wallons et flamands. »
Chaque édition donne l’occasion de consolider des partenariats qui fonctionnent mais aussi de tester de nouvelles collaborations dans la capitale. L’asbl Zinneke emploie des coordinateurs artistiques pour chaque Zinnode, garants du processus et de la mise en place méthodologique de création. « Mais ne perdons pas de vue qu’il y a 22 Zinnodes, donc 22 processus différents ! A nous de les soutenir à l’aide de nos subsides reçus notamment de la Fédération Wallonie-Bruxelles, la Cocof et la Région flamande (VGC). Notre soutien est multiple: accompagnement, recherche de moyens avec eux, recherche de locaux, réflexion sur les enjeux, sur le thème, mise à disposition de matériel, de locaux… »
Créer, pour soi et pour les autres
Dans les vastes locaux et ateliers de la Zinneke, des équipes s’activent. Durant les vacances de Pâques, les jeunes participants de la Zinnode Croisière ont pu bricoler à loisir avec leurs camarades adultes. Chacun semble savoir parfaitement ce qu’il a à faire, suivant les conseils des responsables. Annick Delvosal, directrice du Centre Sésame, vient régulièrement soutenir ses membres. « Ce projet artistique a été pour nous une aubaine car je profite de toutes les occasions pour développer un meilleur ‘vivre ensemble’ et permettre aux personnes handicapées que nous recevons de jour à s’intégrer dans divers initiatives. Ici, ils sont en contact avec des plasticiens et des enfants, l’opportunité pour eux de se conduire en adultes vis-à-vis des plus jeunes. » D’accompagnés, ils deviennent pour certains, accompagnants, entre copinage et soutien. Il s’agit d’une réelle démarche volontaire de la part des participants du Sésame. Cette année, 17 se sont montrés enthousiastes et parmi eux des fidèles de la 1e heure qui répercutent, auprès de ceux qui n’y participent pas, l’avancement du projet. De quoi leur donner envie d’assister au défilé le Jour J ! « La réussite est là, au vu de ce plaisir à créer ensemble. La magie opère à chaque fois. »
Léo Poimboeuf, du Centre Sésame, anime l’un des ateliers, encadrant sans jamais rien imposer. « Certaines personnes handicapées s’épanouissent au contact des enfants et dans la création collective. Ce type d’expérience est assez particulier et propre à la Zinneke. Au début des activités, chaque groupe se formait selon son appartenance mais petit à petit, les gens se mélangent plus facilement. A moi de favoriser la rencontre en tant qu’animateur artistique. » Un groupe a confectionné des bouées géantes, thème de la croisière oblige, un autre des grands coquillages… Il existe du matériel disponible dans les locaux de la Zinneke, notamment du tissu, le reste complété par la Boîte à clous et acheté grâce aux subsides. « Chaque personne du Sésame vit cette aventure différemment. Certains vont trouver leur plaisir dans la construction, le bricolage. D’autres ont vraiment envie de contact, de vivre cette ambiance un peu festive et conviviale. Il existe également une envie de casser leur quotidien et de s’offrir une bulle d’oxygène. »
Des blagues et des moutons
Gaetano, qui fréquente le Sésame, se concentre sur sa création, un scorpion, à partir du dessin remarquable réalisé. Il est en train de confectionner la tête et les pinces. Quant à son camarade Georges, il se trouve à la table plus loin. « J’ai déjà fait la Zinneke il y a six ans, ça me plaît beaucoup. Surtout d’être avec les enfants. Aujourd’hui, j’ai aidé à la confection d’un mouton, ce sera dans le défilé. Je suis un artiste ! On a fait aussi un cyclope. J’aime bien travailler avec les enfants, j’ai des amis, Merlin et Matis, je leur raconte des blagues. Je connais de bonnes blagues. »
Merlin et Matis, sept ans, confirment : Georges est drôle. Via Les 400 coups, ils le côtoient lors des ateliers. « Il aime bien faire des jeux de mots. On s’entend tous bien, même si parfois on se chamaille un peu mais ça c’est normal. C’est chouette d’imaginer des trucs et que ça devienne réel. »
Florent Grouazel, l’un des deux coordinateurs de la Zinnode Croisière, a l’habitude de collaborer avec La Boîte à clous. Cette année, il avait envie de s’impliquer totalement dans la Zinneke Parade en encadrant un projet en particulier.
« Au début, les enfants ont gardé une certaine distance par rapport aux personnes handicapées mais les stages durant les vacances ont cassé cette méfiance. Favoriser ces rapprochements est vraiment notre leitmotiv. Nous sommes au service des participants pour qu’ils s’emparent du projet artistique. On se rend compte de la beauté du projet via ce croisement des imaginaires. Nous laissons place à l’inattendu, à l’imprévu, en laissant une grande latitude à tous. Certains ont un rapport au dessin magnifique et de réels talents, qu’ils expriment régulièrement au Centre Sésame et qui s’avèrent très stimulants pour les enfants. Une belle révélation pour moi qui n’ai pas l’habitude de travailler avec des personnes handicapées. »
En savoir plus
Epee, 8, rue de l’Epée, 1000 Bruxelles : www.lesmarolles.be